SPS est une association aux services des soignants en souffrance. Entretien avec son président, le Dr Henry.
Quels éléments ont motivé la création de SPS ?
Eric Henry : Le Dr Pierre Carayon [Ndlr :Professeur émérite de l’Université de Franche Comté, ancien chef du service de gastroentérologie-
Il s’est rapproché dans un premier temps du conseil de l’ordre des médecins et ils ont formé une association qui se nommait l’APSS. Mais l’APSS ne voulait soigner que les médecins, le budget du conseil de l’ordre ne reposant que sur la cotisation des médecins, il ne pouvait donc pas être utilisé pour d’autres professionnels de santé. Pierre Carayon souhaitant travailler sur l’interprofessionnalité, il est parti dans les années 2000 de cette association.
Par la suite, il a souhaité créer un colloque avec une agence de communication qui s’est rapprochée du CNPS (Centre national des professions libérales de santé) pour être partenaire de l’événement. A l’époque, j’étais moi-même vice-président du CNPS et j’étais particulièrement intéressé puisque j’avais moi-même commencé à travailler sur ces questions dans mon territoire. Je souhaitais créer une plateforme nationale d’appel pour centraliser l’ensemble et créer un vrai parcours de prise en charge avant l’hospitalisation.
Nous avons fait le premier colloque en 2015 puis nous avons monté une association : SPS.
Quel constat faites vous sur la santé des soignants et quelles actions avez-vous mis en place ?
Différentes études ont été réalisées. Elles ont permis de mettre en lumière que 50 % des soignants pensaient faire ou avaient déjà fait un burn out. Ils ne savaient pas qui appeler et exprimaient le besoin d’avoir des unités de consultation à proximité de chez eux. Nous nous sommes donc attelés à répondre à ces trois demandes : une plateforme, des consultations en territoire proche de chez eux et des cliniques ou des hôpitaux volontaires pour se mettre à la hauteur du cahier des charges proposé pour prendre soin des soignants.
Aujourd’hui, tout cela est existant. Ce qui nécessite plus de moyens pour le réaliser mais le modèle est posé. Nous allons former les soignants à reconnaître les voisins en difficulté et surtout à les guider, à les amener vers le dispositif. Ainsi différentes sessions de formation ont été proposées pour janvier 2018. Il s’agit de former à prendre en charge dans leur cabinet, à repérer autour d’eux, à prendre en charge non seulement médicalement mais aussi administrativement afin de savoir quels moyens ils doivent mettre en place pour diminuer la situation de burn-out.
Nous demandons aussi aux URPS de créer des tuteurs qui recevraient les soignants malades et qui les aideraient à se débarrasser de toutes les surcharges qui les ont mis en burn out. Il s’agit de ne pas laisser ces soignants seuls.
// SPS organise un colloque le 11 décembre prochain à Paris sur le thème : quelles innovations dans la prise en charge des soignants en souffrance ? //
Comment est organisée l’association aujourd’hui ?
SPS est une association qui n’est faite que de médecins pour l’instant. Elle est accolée à une boîte de communication et nous travaillons aussi avec des élus. Nous sommes en partenariat avec des ARS, des URPS, des assureurs, des cliniques psychiatriques ou des groupes de clinique, la fondation John Bost, des académies et des syndicats… Ainsi que toutes les personnes ou les organisations qui souhaitent travailler sur ces questions.
Comment un soignant peut-il faire appel à vos services ?
Le soignant appelle le numéro de téléphone national (0 805 23 23 36, numéro vert gratuit). Ensuite ,on essaye de le prendre en charge au bout de 30 à 50 min d’écoute. Si c’est nécessaire, nous essayons de le réorienter vers les acteurs territoriaux. Nous allons prochainement publier une carte des référents territoriaux. Il s’agit de psychologues cliniciens, médecins généralistes formés, des psychiatres qui acceptent de prendre plus rapidement les patients parce qu’ils participent au groupe SPS. En Bretagne, nous n’avons pas encore de clinique dédiée car personne n’est venue vers nous pour le moment mais nous espérons remédier à ce manque rapidement.
Pensez-vous que l’exercice coordonné a un impact positif sur le bien être des soignants ?
Nous avons beaucoup de souffrance dans les établissements de santé où les professionnels travaillent pourtant en équipe. Le recul n’est pas encore suffisant pour déterminer si l’exercice en équipe dans le monde libéral est plus ou moins source de souffrance que l’exercice individuel. Le fait de travailler en équipe peut être sympathique si l’équipe est bienveillante mais peut aussi être très toxique si, au sein de cette équipe, il y a des personnes malveillantes ou un système managerial ou de gestion qui n’est pas bon.
Quel futur pour SPS ?
Nous avons vocation à nous étendre au-delà des professions de santé. Nous allons élargir de professionnels de santé à professionnels en santé pour les secrétaires médicales, les personnes travaillant dans le monde de la santé etc. SPS, c’est rendre service aux soignants. Nous sommes en train de créer tout un parcours autour de la santé au travail qui a vocation à être transposable pour d’autres secteurs.
Nous imaginons aussi qu’il pourrait y avoir, dans chaque CPTS (Communauté professionnelle territoriale de santé), un acteur référent pour prendre en charge le bien-être des soignants. GECO lib’ a toute sa place dans ce projet.
SPS en quelques chiffres :
2000 appels en 2017
Une majorité de femmes qui ont recours à la plateforme(2/3)
60% de salariés
Les professions les plus représentées : infirmiers, aides-soignants, médecins et pharmaciens
Les départements les plus représentés : Finistère, Paris, Rhône